LE DECODAGE DU RHUME: PLEURER SANS DERANGER

LE RHUME : PLEURER SANS DERANGER : LE DECODAGE DU RHUME

Conflit de “puanteur”,” on ne peut plus sentir quelqu’un ou quelque chose” “climat irrespirable”, explique Michel Manset, “quelqu’un ou quelque chose se rue sur moi” explique bernard Tihon, avec justesse, donc conflit de territoire, on se sent agressé par l’odeur de l’autre , par l”intrus”, on ferme son nez pour ne plus le sentir, on retourne “à la sécurité”. Sans oublier S. Sellam qui explique que le rhume est la “ phase de réparation d’un conflit de séparation vécu dans des conditions moches”.

Afin d’illustrer cela, j’aimerais vous raconter l’émergeance d’un rhume formidable que j’ai attrapé, qui a duré durant deux mois au moins et qui a continué à trainer encore, mais plus en sourdine pendant un bon bout de temps .

Des amis accompagnés d'enfants ont débarqué dans mon appartement pour quelques jours. Imaginez quatre petits diablotins entre sept ans et dix-huit mois s’intéressant de très près à chaque objet de mon musée personnel, (ordinateurs, toiles, livres, objets divers, disposés librement dans un lieu fréquenté exclusivement par des adultes). Ces enfants habitués à vivre dehors, ont littéralement envahi mon appartement, grimpant sur les canapés, s’intéressant de très près au magnifique miroir du salon, semant la panique totale dans mon territoire, sans compter que je n’arrivais pas à les surveiller tous, pendant que l’un sortait des livres de la bibliothèque, l’autre risquait d’enjamber le mur de la terrasse, au quatrième étage.

Bref, l’envahissement total en bonne et due forme !Au bout de quatre jours de calvaire, tout le monde est rentré chez soi et mon rhume a explosé, alors que je tentais d’oublier, de” réparer le conflit”.

Bien évidemment, malgré toute l’affection que je leur porte habituellement lorsqu’ils sont dans leur territoire, là, “je ne pouvais littéralement plus les sentir”, ils avaient troublé ma paix et mon équilibre. De plus, je m’en suis séparée “dans des conditions moches”, pleine de ressentiment.

Ce que je voudrais préciser, c’est que le rhume est avant tout aussi “une façon civilisée de pleurer, officiellement ou officieusement”.

Là ou pour une raison ou une autre, on n’irait pas jusqu’à pleurer, car on ne le peut pas, on ne le veut pas, on n’oserait pas, ou que cela serait absurde, on peut par contre se permettre le rhume, tranquillement et sans attirer l’attention sur soi. Pleurer n’est pas correct. Ca dérange l’entourage. On se désintéresse de l’enrhumé, mais on a le devoir moral d’aller s’inquiéter de celui qui pleure, s’enquérir de ses motifs et tenter de le consoler.

C’est ainsi que de très nombreux patients viennent me consulter en décrivant parmi leurs symptômes, un rhume parfois chronique, qui coule par derrière, parfois sans même être trop visible de l’extérieur. Dans la plupart des cas, ce rhume leur irrite d’ailleurs la gorge, car ils n’ont pas “le droit de parler” de ce qui les perturbe ou les irrite. C’est une façon de “pleurer à l’intérieur”.

Parfois les glaires s’entassent dans l’arrière- gorge, c’est le “sac conflictuel” qui s’y entasse. On pousse un petit cri pour les déloger, faute de pouvoir “pousser le cri primal” on se racle la gorge, faute de pouvoir parler.

Je pense à cette patiente qui se sent mal aimée depuis vingt-cinq ans, par un mari absent et qui a en permanence ce rhume qui coule dans l’arrière-gorge. Elle passe son temps à pleurer, mais officieusement. Son histoire la mine en sourdine.

Je pense aussi à ce patient qui a perdu un fils dans un accident de voiture et qui souffre de ce rhume chronique, mais intérieur. Cela lui permet de pleurer en permanence, mais discrètement sans déranger personne, tout seul dans son coin.

Cela dit, le fait d’éternuer, parfois en salve, est par contre une façon d’attirer l’attention sur soi. La preuve ? C’est que l’entourage se détourne en général une seconde de ses occupations pour s’intéresser à celui qui “explose” ainsi soudainement.

On lui fait une petite bénédiction : “ A tes souhaits !” On s’occupe de lui, on s’intéresse à lui, durant un court laps de temps.

Pourquoi cette petite attention ? la Bible raconte que dans les temps reculés, on mourait en éternuant, donc l’habitude est restée de souhaiter “longue vie ou bonne santé” à celui qui s’exprime ainsi.

Enfin, le fait d’avoir un rhume est aussi tout de même une façon de pleurer ouvertement, puisque cela nous permet tout de même de porter le mouchoir à notre nez, sinon à nos yeux et que parfois on nous observe quand on le fait .

Pourquoi ? L’entourage peut penser qu’une personne pleure effectivement quand on la voit s’essuyer le visage, mais quand on l’observe de plus près et qu’on comprend qu’il ne s’agit “que d’un rhume”, on est soulagé.

Donc elle peut continuer tranquillement à laisser couler son nez, ou ses yeux, sans interpeller personne en particulier.

Irène LANDAU

paysage@netvision.net.il